Kilian Le Blouch ou l'éloge de l'effort

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Article / vendredi 29 juillet 2016 / source : alljudo - Laurent ACHARIAN


A 26 ans, il participe à ses premiers Jeux Olympiques, comme par enchantement. Travailleur acharné faute d'être talentueux, sa volonté hors norme lui permet d'écrire à Rio la plus belle page de sa carrière.

Qui aurait parié sur la présence de Kilian Le Blouch aux Jeux Olympiques ?

Soyons francs : pas grand monde... à part lui bien sûr. « Je suis le seul à avoir cru vraiment en moi. Je crois que c'est le plus important » explique aujourd'hui Kilian. Cette sélection olympique tient du miracle pour ceux qui ne connaissent pas le personnage, de la volonté pour ceux qui ont croisé la route du gaillard.

Malgré ses deux titres de champion de France, Kilian a toujours été un outsider des -66kg derrière David Larose -vice-champion d'Europe, double vainqueur du tournoi de Paris- et surtout derrière Loïc Korval, champion d'Europe 2014 et 3e aux mondiaux de 2010. En début d'année, c'était loin d'être joué encore pour Kilian dont le déclic a lieu en février, lors du tournoi de Paris, devant son public, sa famille et tous les élèves de son club : « J'ai regardé le tableau et je me suis dit : ‘ça va être très dur aujourd'hui'. Au premier tour, je prends un type qui m'avait déjà battu (le Belge Jasper Lefevere). Je gagne et tout s'enchaîne. Du bouchon, on est passé au boulevard ... jusqu'à la demie face à Masashi Ebinuma. »

Cette demie finale face au triple champion du monde japonais, Kilian la perd de justesse, deux shidos à un, et finit plus fort que son adversaire : « C'était des sensations assez incroyables ! J'étais au milieu des miens, tout se passait tellement bien ». D'autant que dans le même temps, Loïc Korval perd au premier tour. Le judoka traverse une tourmente judiciaire qui se conclut finalement par une suspension pour Rio. Ne reste plus pour Kilian qu'à assurer sa place dans les 22 premiers mondiaux. Ce que réussit parfaitement à faire ce fils de footballeur en dépit de championnats d'Europe complètement manqués (défaite au premier tour).

Aujourd'hui, Kilian est étonnamment serein à quelques jours des Jeux. Il sait que désormais, il est guetté par ses adversaires, qui veulent de plus en plus l'avoir entre les mains lors des stages internationaux. Il sait aussi que la chance qui se présente est assez unique. Mais il sait surtout d'où il vient...

Une envie de réussir qui dépasse celle de tous ses concurrents

« En junior 2, mon entraineur à Levallois avait dit que je ne ferai jamais rien » sourit-il, goguenard. En 2015, on lui préfère Alexandre Mariac pour participer au tournoi de Paris malgré son titre de champion de France. Pourtant, son envie de réussir dépasse celle de tous ses concurrents.

Pour comprendre cette rage et ce goût immodéré pour le succès, il faut se plonger dans ses échecs. Ils jalonnent sa jeunesse. Kilian n'a jamais compté parmi les espoirs du judo français, il n'est même jamais passé par un sport-études : « Aux championnats départementaux en minimes, je tirai avec les B, jamais avec les A. C'est en cadets que j'ai commencé à y croire même si je n'ai jamais réussi à me qualifier pour les championnats de France de cette catégorie d'âge. Ni en juniors d'ailleurs. »

A l'époque, Kilian s'entraine dans sa ville à Chatenay-Malabry, deux fois par semaine. Le club n'est pas encore la pépinnière de Flam 91, c'est juste un petit club au milieu de la Butte Rouge sans grand projet et sans beaucoup d'adversaires pour progresser. Du coup, lors des compétitions, c'est son père qui l'accompagne et qui s'assoit souvent sur la chaise de coach : « il me gueulait : ‘vas-y, lâche rien'. Il ne connaît pas le judo ». Et les silences du paternel après chaque défaite sont encore dans la tête de Kilian : « On pouvait rentrer d'une compet' à 2h30 de Paris sans s'échanger un mot dans la voiture. C'était encore pire qu'une bonne engueulade en fait. »

L'homme aux trois poumons

A Châtenay, il apprend à se prendre en main. Il a besoin de se dépenser plus de deux fois par semaine et travaille donc son physique, sans compter. Il dévalise les rayons des librairies pour tout comprendre à la préparation physique et se met minable autant qu'il peut en se lançant des défis impossibles. Il acquière ainsi de haute lutte son troisième poumon qui fait de lui l'un des athlètes les plus endurants et rugueux de sa catégorie. « Le physique, c'est ma force encore aujourd'hui. A l'INSEP, ça m'arrive très rarement de finir deuxième d'un footing. J'ai toujours eu ce goût de l'effort et envie de me mettre à l'envers » analyse-t-il.

Au tournoi de Paris, on a pu le constater : dès que les 3'30 - 4' de combat sont passées, Kilian prend l'ascendant, comme s'il avait commencé le combat plus tard que ses adversaires. Très tôt par ailleurs également, il prend le goût d'entraîner les autres. Il est aujourd'hui en charge des jeunes du club à Châtenay-Malabry et a autant de plaisir à voir grandir et réussir ses jeunes pousses qu'à aller glaner lui-même des breloques. « Entrainer les jeunes, je le fais depuis mes 18 ans. Chaque compétiteur a son style à n'importe quel âge. En aidant mes jeunes à trouver des solutions, en leur transmettant ma passion, j'apprends tous les jours. »

Parmi ses glorieux poulains : Sarah Harachi, 3e aux championnats du monde junior l'an passé, devenue son épouse, et bien sûr Walide Khyar, champion d'Europe cette année à 19 ans et grand espoir de médaille pour les JO à Rio. Ses élèves sont tous traités de la même façon. Tous ont reçu un jour un SMS de Kilian leur demandant pourquoi ils ne sont pas venus à l'entrainement ou s'ils suivent bien la prépa physique qu'il leur a proposée la semaine précédente.

Mais a-t-on vraiment une chance de voir Kilian monter sur un podium olympique ? « Mon objectif est de tout donner et de ne rien regretter. C'est comme cela que je réussis. Ca ne sert à rien d'aller fanfaronner que l'on veut gagner une médaille. C'est une telle évidence. Ma seule certitude c'est que je suis un travailleur invétéré, c'est ma marque de fabrique. Je peux faire craquer n'importe qui. Mes adversaires le savent... »

Espérons que Kilian en fera craquer suffisamment à Rio pour monter sur le plus couru des podiums.

 

 

 



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  • admosh - le 02/08/2016 à 09:18

    Allez Kilian. tous derrière toi à Rio