Marie-Claire Restoux : ‘Il faut savoir saisir les opportunités’

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Interview / mardi 1 juillet 2008 / source : alljudo.net


Championne olympique et double championne du monde, Marie-Claire Restoux revient sur sa carrière, et sur les opportunités qui ont jalonné son parcours. Si depuis 2001 elle s’est surtout consacrée à la politique, 2008 marque son retour dans l’actualité judo, puisqu'elle sera de nouveau consultante pour France Télévisions, à l'occasion des J.O.

Vous êtes devenue championne du monde en 1995 alors que vous n’étiez que remplaçante. Pouvez-vous nous retracer la façon dont les choses se sont passées ?
La titulaire, Laetitia Tignola, s’est blessée au mois de juin lors d’un tournoi à Cuba, et comme la blessure était très grave - fracture des cervicales -, j’ai su que je serai titulaire pour les championnats du monde qui avait lieu trois mois plus tard à Chiba au Japon. Dès lors j’ai eu envi de prouver que je pouvais être la meilleure, que l’on pouvait me faire confiance. Et puis j’aime bien faire des surprises, être là où l’on ne m’attend pas ?. Plus sérieusement, cela montre aussi, qu’en France, l’écart entre les titulaires et les remplaçants est souvent très faible.

Peut-on en déduire qu’il faut une part de chance pour réussir une carrière ?
J’avais gagné les championnats du monde universitaires en 1994, et là j’ai eu cette opportunité que j’ai saisie. Je savais que c’était l’occasion de prouver ma valeur. Je ne crois pas qu’il y ait de hasard, il y a des opportunités, que l’on n’a pas forcément calculées, et il faut savoir les saisir. Après mon titre de championne du Monde en 1995, j’étais attendue au tournant, car beaucoup pensaient que j’avais eu de la chance. J’ai abordé les Jeux Olympiques de 1996 avec toujours cette envie de prouver, cela m’a permis d’être championne olympique et de me maintenir au meilleur niveau mondial pendant quelques années. En revanche, je n’ai jamais gagné les championnats d’Europe, sauf par équipes, mais en individuel j’ai été trois fois troisième. Cela montre que ce n’est pas le hasard, mais le degré de motivation qui fait la différence. Personnellement, je n’ai jamais considéré, à tort ou à raison, les championnats d’Europe comme un objectif, mais plutôt comme une étape.

Comment passe-t-on du statut de championne de judo à celui de conseillère du Président de la République ?
J’ai mis un terme à ma carrière en juillet 2001 à l’occasion des Championnats du Monde de Munich, mais j’étais entrée en politique en mars 2001. On m’avait proposé de devenir adjoint aux sports à la Ville de Levallois, et j’avais saisi l’opportunité d’aller voir un peu l’envers du décor. Puis en 2002, j’ai été sollicitée par le président Jacques Chirac, pour devenir conseillère technique chargée de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Une nouvelle fois j’ai saisi cette opportunité, et j’ai abandonné le poste que j’occupais au sein de la société ISS, où j’avais développé le service des relations presse.

Depuis la fin du mandat de Jacques Chirac quelles ont étés vos activités ?
J’ai participé à la campagne des législatives sur la circonscription de Clichy-Levallois, et je suis suppléante du député Patrick Balkany. J’ai également participé à la campagne pour les élections municipales sur la commune de Clichy, et j’ai été élue, dans l’opposition malheureusement, au conseil municipal.

Quelles sont les qualités acquises grâce au judo, qui vous servent le plus en politique ?
Toutes (rires). La philosophie, les valeurs, le respect, on pourrait reprendre tout le code moral. Le judo m’a également appris à gérer mon stress, à contrôler mes émotions, à bien me connaître et à travailler en groupe.

Pratiquez-vous encore le judo ?
J’ai repris une licence dans le club de Clichy, la ville où j’habite. Si le physique n’est plus le même, les sensations sont toujours là. La technique ne s’en va pas.

Vous arrive-t-il de regretter de ne pas être restée dans le monde du sport ?
Pas du tout. Je n’ai jamais eu la volonté d’enseigner ou d’entraîner. Je savais qu’après ma carrière je ferais autre chose.

Vous avez tenu le rôle de consultante sur France 4 lors des derniers championnats d’Europe, est-ce une expérience que vous allez renouveler ?
Oui, cet été je serais à Pékin, pour commenter les Jeux Olympiques au micro de France Télévision. Ensuite sur la durée je ne sais pas, car ce sont à chaque fois des demandes ponctuelles.

Avez-vous suivi le judo au cours de ces dernières années ?
Oui j’ai continué de suivre les grands championnats comme spectatrice. Quand on a passé vingt ans à faire du judo, on ne décroche pas. Dans le cadre de mon rôle de consultante, je découvre certains athlètes qui sont nouveau sur le circuit international et que je n’avais jamais eu l’occasion de voir combattre, et puis il y en a d’autres que j’ai côtoyés lorsque j’étais encore en activité.

Comment jugez-vous l’évolution du judo depuis 10 ans ?
Si je me base sur les derniers championnats d’Europe, on peut dire qu’on voit de tout. Du beau judo, avec des attaques classiques et puis également du judo au ras des pâquerettes. Cela est notamment le cas chez les moins de 60 et les moins de 66 kg, où de nombreux combattants de l’Est privilégient l’efficacité au style. Mais c’était déjà le cas avant. Pour ma part je serais toujours adepte des beaux mouvements.

Les nouveaux dirigeants internationaux sont dans une démarche de professionnalisation du judo, avec des dotations de plus en plus importantes, qu’en pensez-vous ?
Je ne dirais pas ‘l’argent c’est bon’ ou ‘l’argent c’est mauvais’. A mon époque, il n’y en avait pas et ce n’était pas forcément bien, car les athlètes étaient parfois obligés d’interrompre leur carrière pour subvenir à leurs besoins. L’argent commence à arriver dans le judo et l’on n’a pas le recul nécessaire pour juger de l’effet que cela peut avoir. J’espère simplement que le judo n’y perdra pas son âme, mais je suis favorable à ce que les athlètes puissent vivre du judo. Après, tout est une question de proportions…

Que pensez-vous de la réforme de l’arbitrage proposée par la France ?
Je n’ai pas encore eu l’occasion de voir les détails de ce projet, mais dans la mesure où il a pour but de favoriser le beau judo, je suis naturellement pour. Le fait que ce soit la France qui fasse cette proposition, me rend fière.

Comment expliquez-vous les difficultés de l’équipe de France masculine ?
C’est une question difficile car j’observe les choses d’assez loin. Le sentiment que j’ai, c’est qu’il y a chez les filles un esprit de groupe, une alchimie qui n’existe pas encore chez les garçons. Le groupe masculin est en reconstruction avec des athlètes en fin de carrière comme Fernandes ou Demontfaucon, et des jeunes judokas qui arrivent et qui ne sont pas encore installés, à l’exception de Teddy Riner, qui lui a brûlé les étapes. C’est une période de transition pendant laquelle les jeunes doivent s’accrocher. J’espère qu’ils vont réaliser quelque chose de beau à Pékin.

Etes-vous toujours sollicitée par le monde du judo ?
Je l’ai énormément été après mon titre olympique de 1996, pendant plusieurs années, par des clubs, des entreprises... Puis, lorsque je suis devenue conseillère de Jacques Chirac, je n’ai plus eu le temps d’y répondre, et j’ai mis tout cela en stand-by. Depuis un an, j’ai de nouveau du temps pour répondre aux sollicitations.

Beaucoup de judokas rêvent de devenir champion olympique. Vous l’avez été. Quel conseil pourriez-vous donner ?
Ce qui est valable pour le judo est valable dans tous les domaines. Je dirais que l’élément principal c’est de se faire plaisir, ensuite il faut croire à ses rêves, être déterminé, et enfin il faut s’entraîner un peu !


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