Sergeï Aschwanden : « Ça sera pareil aux prochains JO »

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Interview / jeudi 7 fevrier 2013 /


Rencontré à l’occasion des 40 ans du club de Viriat (Ain), le dernier médaillé olympique du judo suisse a accepté de répondre à nos questions.

Bonjour Sergeï, peux-tu nous rappeler à quel moment tu as arrêté ta carrière ?
J'ai arrêté après les Jeux Olympique de Pékin en 2008. J'avais prévu de faire un break, mais pas d'arrêter, et je me suis rendu compte que je n'étais plus prêt à faire les efforts nécessaires, à m'entraîner comme un fou. Donc comme le judo ça ne rapporte pas grand-chose, je n'ai pas repris.

Quels sont tes activités maintenant ?
Je termine cette année mes études en management du Sport qui sont financées grâce à une bourse d'Etat. Parallèlement à cela je suis DTN du Mikami Judo Club de Lausanne (MJCL) qui compte actuellement 330 adhérents. Je suis sur le tapis deux fois par semaine pour enseigner, et sinon je m'occupe de toute la partie administrative qui concerne les compétitions, les déplacements. Enfin je suis investi dans une association qui s'appelle Trako, que j'ai créée, et qui a pour but d'intégrer le judo dans le cursus scolaire des élèves en Suisse.

Tu étais un judoka élégant et fort techniquement. Est-ce que tu as ce souci du beau judo avec tes élèves ?
J'ai eu deux professeurs japonais, Me Mikami et Me Katanishi, qui m'ont inculqué le goût pour la beauté du mouvement qui m'ont enseigné que l'objectif final c'était le ippon. Avec mes élèves j'ai cette approche, j'essaye de leur apprendre à bien faire le mouvement. Je ne m'attarde pas sur les détails mais j'essaye de leur transmettre la sensation et la compréhension globale du mouvement. Ensuite chacun adapte en fonction de sa morphologie et de ses capacités physiques.

Est-ce que tu continues de suivre le judo international ?
Bien sûr ! Je continue de suivre de près les compétitions, je vais chaque année au tournoi de Paris et cet été j'étais à Londres.

As-tu été surpris par la domination des Russes ?
Non pas du tout, même si quatre ans plus tôt ils avaient fait zéro médailles, ils s'étaient donné les moyens de réussir. Avec un bon entraîneur, des moyens et du potentiel ce résultat n'est absolument pas surprenant.

Qu'as-tu pensé du spectacle proposé au cours ces Jeux ?
Je ne fais pas parti de ceux qui ont été déçu par le spectacle. Si tu assistes à la Coupe du Monde ou aux championnats d'Europe de foot tu sais très bien qu'il n'y aura pas des 5-0 à chaque match. Aux Jeux c'est pareil, les judokas jouent gros, car un titre olympique ça peut changer ta vie, donc ils ne prennent pas de risques, ils réfléchissent à ce qu'ils font. Ce sera pareil lors des prochains JO, quel que soit le règlement, à moins qu'on établisseque seul le ippon donne la victoire !

Justement quel est ton avis sur le nouveau règlement ?
Lorsqu'il y a un nouveau règlement, il y a d'abord un phénomène de rejet, mais il ne faut pas s'arrêter à cette première impression. Il y a certains points qui semblent positifs, et d'autres moins. Le kumikata et l'interdiction de contrer, ça peut poser problème, car lorsqu'on va mener on pourra facilement pourrir le combat. En tout cas c'est un sacré chamboulement, cela va être intéressant à voir ce week-end au Grand Chelem de Paris. Je note qu'il y a une réelle volonté de la FIJ pour faire évoluer le judo vers plus de spectacle, donc attendons de voir. En revanche, il me semble qu'une année pour juger c'est court. Si on prend l'exemple du précédent règlement il a bien fonctionné pendant trois ans jusqu'aux championnats du monde de Paris, et c'est aux Jeux qu'on a vu ses limites.

Quels sont les judokas actuels que tu as plaisir à voir évoluer ?
Il y en a plusieurs. En 60kg j'aime bien Sobirov et Galstyan, en 66kg le jeune Géorgien qui a gagné les Jeux, même si ça demande confirmation, en 73kg Ugo Legrand. Dans ma catégorie, en 90kg, le Brésilien Camilo est toujours capable de faire de belles choses, le Coréen Song qui a gagné les Jeux, Iliadis. Du côté français il y a Teddy, qui est non seulement un athlète mais également un bon judoka, et surtout Lucie car elle cherche toujours à faire tomber.

Est-ce que le judo suisse est encore capable de produire des champions comme toi, ou ta réussite était uniquement le fruit d'un parcours individuel ?
Beaucoup de gens pensent que c'était un parcours individuel, mais je ne partage pas cet avis. Pendant douze ans, sous la houlette de l'entraîneur allemand Léo Held, le judo suisse a remporté beaucoup de médailles grâce à une structure faite pour une petite élite. Je pense que l'on doit travailler qualitativement et non pas quantitativement, même si la tendance actuelle en Suisse est plutôt de privilégier la masse. C'est mon avis, mais je ne prétends pas détenir la vérité. Sinon, on peut constater que dans le judo suisse il y a du potentiel car nous obtenons de bons résultats jusqu'en cadets. C'est ensuite que ça coince car il faut des moyens. Le sport en Suisse n'est pas étatisé il est entièrement privé, donc les athlètes doivent se payer leur déplacements, leurs tournois, leurs stages et ç'est ce qui est difficile. Les prochaines années vont être cruciales pour le judo suisse car on a des bons jeunes. Si on arrive à leur faire passer le cap et à les installer sur le circuit international on pourra viser des médailles en 2016 et jusqu'en 2020, sinon il va y avoir un trou qui peut durer plusieurs années.


Créé en 1973 le Judo Club de Viriat a fêté le week-end du 2 et 3 février ses 40 années d'existence. Pour cette occasion la présidente Annie Perrin avait invité Sergeï Aschwanden pour deux jours de stage. Le club qui depuis cette année a été rebaptisé Arts Martiaux Viriat pour être plus représentatif des différentes activités qu'il propose (Judo, karaté, kung-fu, aïkido, taï-chi-chuan...) compte actuellement 210 adhérents. Le judo est encadré par Frédérique Lamidiaux (2e Dan, BE) et Olivier De Gurgy (Assistant Club). Basé dans l'Ain, le club plutôt axé sur le loisir, peut s'enorgueillir d'avoir permis à deux champions de découvrir les sports de combat : Jérôme Guyot (champion de France de judo 1e div 2008) et Jérémy Damon (médaillé européen et mondial en full-contact).


le site de Sergei Aschwanden
le site de l'association trako
le site du Mikami Judo Club de Lausanne

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