Guillaume Avril : On travaille avec un groupe restreint

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Interview / jeudi 10 janvier 2013 / source : alljudo.net (SB)


Troisième lors des derniers championnats de France par équipes féminines juniors, la Couronne Grand-Angoulême doit beaucoup à son Directeur Technique Guillaume Avril et à sa méthode de travail. Interview.

Bonjour Guillaume, peux-tu nous présenter le club de la Couronne Grand-Angoulême Judo ?
C'est mon club d'origine, c'est là que j'ai commencé le judo dans les années 80. Quand je suis rentré de la région parisienne en 2005, je l'ai repris. Il y avait à l'époque 75 licenciés et nous l'avons ensuite développé. J'avais des minimes et des cadets que l'on a formés. J'en ai d'ailleurs un qui est devenu mon collègue puisqu'il est maintenant salarié du club. On a ensuite ouvert des clubs autour d'Angoulême et dans la périphérie. Aujourd'hui nous sommes 400 licenciés et il y a des salariés. Notre politique c'est la formation car nous n'avons pas de pôle à proximité pour pouvoir recruter. De temps en temps, on a des athlètes qui viennent de l'extérieur mais 80% de nos judokas ont été formés au club.

Quels ont été les meilleurs résultats obtenus par le CO Couronnais depuis que tu t'en occupes ?
Sur la dernière olympiade, nous avons eu eu 25 médailles nationales, dont 9 titres. Ca va du championnat de France cadets au championnat de France première division. On a également eu dix sélections sur des championnats d'Europe et du Monde (cadet et junior), pour trois médailles européennes. Je suis plutôt satisfait de ce que nous avons fait car notre recrutement est uniquement local.

Quels sont tes objectifs à moyen terme ?
On ne se pose pas la question en termes d'objectifs car notre structure est atypique. Nous progressons d'année en année avec des filles qui se sentent biens au club comme par exemple, Louise Raynaud qui a été troisième des championnats de France 1e division en 2010. On ne fixe pas d'objectifs car on ne fonctionne pas comme cela. Chaque année, on essaye de progresser et de structurer le club pour qu'il se développe. Je pense qu'un jour on pourra accrocher une cinquième place par équipe au Championnat de France première division. Ça serait un aboutissement intéressant pour cette génération d'athlètes.

Quelle est ta philosophie pour former autant de bons compétiteurs ?
Nous ne sommes pas sur un tapis avec quatre-vingt athlètes, mais nous sommes une vingtaine parmi lesquels une dizaine sont sur du haut-niveau. Mon point de vue, c'est qu'il n'y a pas un enseignant en France qui peut dire : « doublez moi mes effectifs, je vais mieux m'en sortir ». Si on veut transmettre des contenus d'enseignements et faire un travail de qualité, il faut peu athlètes. Je suis donc à l'opposé de ce qui peut se passer ailleurs et je ne suis pas pour les gros tapis. Au lieu d'un système pyramidal, je préfère celui du tube, où l'on détecte un athlète très jeune puis ensuite on s'en occupe du mieux possible. D'autre part j'essaye de mettre en place des systèmes d'attaques cohérents avec les moyens que présentent les athlètes. Dans chaque catégorie les judokas présentent des gabarits différents, on s'adapte et on travaille en fonction de leurs possibilités.

Le risque maintenant n'est-il pas de voir partir tes meilleurs éléments ?
Nos athlètes sont sollicités par les autres clubs mais ils n'ont pas envie de partir. Nous nous sommes mis en quatre pour que cela marche et les filles se plaisent dans cette structure familiale. Je sais que certaines ont eu des propositions importantes, avec plus d'argent que chez moi mais elles veulent rester, partir ne leur traverse même pas l'esprit. Le problème, qui en fait n'en est pas car j'en suis fier, c'est que nos judokas font également des études de haut-niveau. Louise Raynaud est en troisième année de pharmacie, Océane Sicard a été Prix Régional de l'Education 2012, elle a un an d'avance et s'orientera en médecine l'année prochaine. Elles sont sur un double projet et je suis mal placé en tant que professeur pour leur déconseiller de le faire. Je les pousse en ce sens et, même si c'est difficile, elles s'épanouissent. L'année où Louise a fait sa première année de médecine par correspondance, elle a réalisé une grosse saison, avec une médaille aux 1e division et le titre de championne de France junior. Je suis très fier d'avoir des filles de ce niveau-là et qui font des études. Elles sont heureuses, et elles parviennent à concilier les deux car elles sont sérieuses. On me dit qu'elles ne feront jamais du très haut niveau si elles font des études. C'est peut-être vrai, mais on fera tout pour démontrer le contraire. C'est leur choix et nous on fait tout pour leur permettre d'allier les deux.

Il paraît que le club s'est doté d'un centre dans lequel vous organisez des stages pour vos athlètes ?
Oui, le club s'est doté d'un centre d'hébergement ce qui fait que les filles vivent sur place, à 500 mètres du dojo de la Couronne pour être précis. On ne perd pas de temps dans les trajets et il n'y a pas de temps de perdu dans la journée. Les filles ont un objectif commun et s'en donnent les moyens. Certaines suivent des cours par correspondance, et elles restent au bâtiment toute la journée.

Peux-tu me parler de ces stages ?
Les relations au niveau locales sont très difficiles, à l'exception de quelques clubs sympathisants, et j'en profite pour les remercier. J'ai donc choisi de travailler avec des clubs partenaires extérieurs à la région. Soit on se déplace et on envoie les filles à Paris, soit on fait venir des clubs amis avec lequel nous avons l'habitude de travailler comme l'UJ37 de Manu Cotinaud ou l'AJA Paris XX dirigé par Alexandre Borderieux. Les installations nous permettent d'organiser des stages pour 30 personnes. Chacun vient avec dix athlètes et ensuite on essaye de faire un travail ciblé, c'est notre politique. Durant les stages il y a beaucoup de randori et des oppositions de qualité. C'est aussi un travail entre copains entraîneurs, où on accepte de montrer nos façons de travailler. Il y a beaucoup d'échanges sur les techniques, sur les systèmes d'attaques et personnellement ça m'a beaucoup apporté de travailler avec eux, car nous avons des registres de compétences différents.

Quand tu dis que les relations au niveau local sont difficiles, qu'en est-il exactement ?
Au niveau local nous sommes très décriés. Ç'est difficile, nous subissons beaucoup d'attaques. L'ancien président de la Ligue, Claude Beau, dans son rapport moral me décrivait comme quelqu'un de dangereux pour la Ligue et pour le judo. Certains élus « judo » ont des œillères et ils refusent de faire évoluer le système. Pourtant, j'ai vraiment l'impression de servir la cause de ce sport, j'ai formé quatre brevets d'état, et nous prouvons chaque saison que nos choix fonctionnent.

Quelles sont les attaques que vous subissez ?
Je vais vous donner un exemple révélateur. L'an dernier je ne souhaitais pas que Julie Pierret fasse les championnats de région car elle était légèrement blessée, et on lui a refusé sa sélection. Heureusement le national a su la repêcher et en fin de saison elle est championne de France. Je me demande comment cela est possible. Le problème va se présenter de nouveau cette année pour Julie Pierret, Océane Sicard et Margaux Herault, puisque le championnat régional tombe en même temps que l'Open d'Arlon. La demande de quota est partie, nous attendons la réponse, l'équipe dirigeant la ligue a été un petit peu modifiée suite aux élections, on garde espoir.

Quelle est la cause de ces mauvaises relations ?
De manière générale, nous sommes en décalage complet avec nos élus locaux du judo, nous ne sommes pas dans le même monde tout simplement. Je pense qu'un système qui fonctionne correctement doit perpétuellement se remettre en question, évoluer et il doit également fédérer. Nous avons affaire à des gens qui ne pensent qu'à défendre un système existant, et qui n'ont pas de vision à long terme. Je pense qu'au contraire ils devraient encourager les expériences comme la nôtre.

Pour finir que penses-tu des nouvelles règles d'arbitrage ?
Quand il y a des nouveautés, on est toujours contre par principe. C'est à l'usage que l'on verra, on attendra. Pour le moment je n'ai pas d'avis mais ça ne me perturbe pas plus que cela. En tout cas une chose est sûre, il serait bien qu'on ne change pas les règles tous les 6 mois si on veut gagner en crédibilité.

 

Retrouver l'intégralité de cette interview sur JudoPro (Ipad)



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  • P.F - le 15/01/2013 à 02:03

    Félicitation pour tes filles guillaume, Le travail paye par l'investissement que tu y consacres et le rapport de confiance que tu as su créer avec tes filles. Cette place par équipe met en valeur tous les résultats obtenus à titre individuels. Les personnes comme Manue ou Alex sont des points d'appuis sur lesquels tu peux compter et c'est aussi important. L'intelligence est aussi de savoir s'entourer. Tu sais aussi bien que moi que nombreux élus dans nos ligues sont en décalage avec les besoins du terrain, et j'en sais quelquechose. Le problème est que trop souvent le combat ne se limite pas à celui des athlètes sur le tapis ... Respect !

  • jpfatton - le 10/01/2013 à 12:33

    Tiens quelqu'un d'intélligent qui a compris que les pôles ne sont pas un MUST (utiles mais pas indispensables)et qu'un club bien structuré et inventif peut parfaitement amener des athlètes motivés au haut niveau... Bravo! Mais ça doit jazer dans les chaumières et pas seulement au plan local... Continuez comme cela, peut-être que cela montrera la voie à d'autres clubs qui pourraient le faire mais qui sont encore un peu frileux... Chapeau bas Monsieur Avril!