Planifier sa préparation en judo

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Conseils / vendredi 14 decembre 2012 / source : alljudo.net


A quoi bon s'entraîner sans relâche, si le jour de la compétition tout s'écroule. Il faut alors savoir se poser les bonnes questions. Nous vous proposons de faire le point sur la planification de l'entraînement.

L'entraînement est un art ou il faut savoir doser pour être prêt le jour J, et si nous avons déjà tous entendu parler de « mise au vert » ou de « faire du jus », qui sait ce qui se cache réellement derrière ces expressions. Ezio Gamba le manager de l'équipe russe révélait récemment que les judokas de l'équipe masculine russe avaient amélioré tous leurs « max » 15 jours avant les Jeux. Compte-tenu des résultats obtenus par les combattants russes à Londres on peut dans ce cas-là parler de préparation réussie et maîtrisée.

Planification, les grandes règles
La Palisse n'aurait certainement pas fait mieux, mais il est toute même utile de rappeler que la planification ne peut se faire qu'en fonction d'un objectif établi précisément pour une compétition ou une période ciblée. Cette contrainte « compétitive » va permettre d'établir la durée du cycle d'entraînement et en fonction de la discipline ou du niveau de pratique on établira une planification à court terme (le prochain tournoi dans un mois), à moyen terme (les championnats de France en fin de saison) ou à long terme (les JO dans 4 ans).

L'objectif de la planification sera de permettre à l'athlète d'atteindre son pic de forme le jour de la compétition et non pas la semaine d'avant ou la semaine d'après. Nombre de judokas ont déjà connu cette expérience de se sentir très en forme la semaine précédant la compétition et de ne plus l'être le jour J, ou inversement. Il faut retenir que le pic de forme n'arrive pas au moment où l'on s'entraîne le plus. Cela renvoie à un phénomène connu, la « surcompensation »dont le principe est le suivant : l'amélioration engendrée par l'entraînement ne surviendra pas juste après celui-ci puisque le corps est fatigué par les efforts qu'il vient de produire. Il faut donc attendre d'avoir récupéré pour percevoir les effets de l'amélioration.

La durée nécessaire pour augmenter le niveau initial diffère selon les qualités physiques entrainées et selon la façon dont la récupération est faite. Cependant, sans entrer dans les détails, on retiendra que plus on se rapproche d'un travail de vitesse et plus les effets peuvent être rapides (6h), tandis que pour un travail d'endurance la durée pour en ressentir les effets est sensiblement plus longue (>72h).

Les spécificités liées au judo
LA préparation judo comporte généralement trois phases :
- La PPG* (Préparation Physique Générale) qui consiste à entrainer les filières aérobie avec un travail plutôt axé sur le volume et d'une intensité faible.
- La PPO (Préparation Physique Orientée) que l'on appelle aussi « précompétitive » voir « auxiliaire ». Elle inclut un travail de grande intensité coûteux sur le plan énergétique.
- La PPS (Préparation Physique Spécifique) a pour objectif d'inclure les spécificités même de l'activité. Durant cette phase on travaillera par exemple sur des temps « travail/récupération » calqués sur ceux d'un combat de judo. Cette période à pour but de faire émerger l'état de forme optimal en vue de la compétition.

On parle également parfois de PPI (Préparation Physique Intégrée). Son but est de se servir de l'activité même pour la préparation physique. Dans le cas du judo elle se passera donc en règle générale sur le tatami et en judogi.

A l'intérieur de ce cadre, qui reste très général, chaque entraîneur dispose d'une multitude de moyens pour améliorer le niveau de ses athlètes, tout en sachant qu'il y aura parfois des petites régressions dues à la surcompensation.

Quand et comment organiser sa planification
M. Pradet dans son ouvrage la préparation physique (lien Amazon) propose un tableau orienté sur l'agencement du travail en fonction de la période de préparation dans laquelle on se trouve. Il permet de se faire une idée globale de ce que peut être une programmation.

ORIENTATION DE LA PREPARATION PHYSIQUE PERIODE ELECTIVE BUT RECHERCHE
GENERALE PREPARATOIRE Développement et harmonisation des diverses qualités physiques. Travail des points faibles.
AUXILLIAIRE PRECOMPETITIVE Développement des qualités physiques en rapport direct avec l’activité, en fonction de l’individu et des choix technico-tactique. Travail des points forts.
SPECIFIQUE COMPETITIVE Harmonisation de tous les facteurs de performance. Recherche de «l’état de condition physique absolu».

Thierry Paillard, dans son ouvrage « Optimisation de la performance sportive en judo » présente un excellent modèle qui intègre notamment la répartition du judo, de la course, de la musculation et des activités complémentaires en fonction des différentes périodes. Au niveau du judo il détaille également quelles doivent être les périodes pour travailler les point faibles, les points forts, et quelle doit être la nature du travail technico-tactique.

Il existe beaucoup d'autres modèles de planification, mais il est également important de mettre sa touche personnelle pour ajuster la planification aux objectifs et aux états formes propres à chacun.

Aiguiser la lame
On ne pourrait pas être complet sans évoquer la fameuse phase d'affûtage, cette période durant laquelle l'athlète va «faire du jus» comme nous l'évoquions au début de cet article. Le but ici est de réduire l'entrainement de manière significative pour recharger les batteries sans perdre les acquis de l'entrainement. Ce dosage est compliqué, car à l'approche de la compétition tous les athlètes ne réagissent pas de la même manière. Certains ont besoin de rester sur le tapis pour répéter leurs schémas tandis que d'autres préfèrent couper pour «avoir faim de judo». Il existe même des cas très particuliers comme Bertrand Damaisin, qui nous avait expliqué il y a quelques mois, qu'en 1992, lors des Jeux Olympiques, il faisait des longs footings tous les jours précédant sa compétition, afin d'évacuer le trop plein d'énergie qu'il avait en lui.

Il existe néanmoins des grands principes sur lesquels s'appuyer. Dans son n°134, le magazine Sport et Vie reprenait les différentes études consacrées à l'affûtage avant de conclure qu'il fallait diviser par deux la charge deux semaines avant l'échéance, principalement en diminuant la durée des séances et en réduisant au strict minimum les exercices de faible intensité.

Si bien des auteurs ont déjà écrit sur ce sujet, vous aurez compris qu'il n'existe pas de méthode de planification universelle, livrée clé en main. Pour amener un athlète au top le jour J, il faut bien sûr respecter de grands principes tout en étant capable de s'adapter aux spécificités physiques et psychologiques de chaque athlète. A vous d'expérimenter !

*PPG : le terme PPG ne plait pas à tous les préparateurs physiques notamment Fred AUBERT qui pense que la préparation physique est spécifique ou n'est pas !

Cet article vous a été proposé par Anthony Semain : judoka 3e dan, BE 1e degré, titulaire d'une licence Staps «entrainement sportif», d'un diplôme de Préparation Physique délivré par Perf In Sport et inscrit au Diplôme de préparation physique européen de Lyon.
Préparateur physique de plusieurs judokas 1e et 2e division, il collabore avec le Pôle Espoir de Lille, le Rugby Club d'Arras et un club de basket de Nationale 2. Si vous recherchez un intervenant pour la mise en place de test ou de programmes de préparation physique, vous pouvez le contacter par mail



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