Didier Charles : nos jeunes n'ont pas la culture du combat

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Interview / mardi 16 octobre 2012 / source : alljudo.net


Didier Charles, entraîneur du Judo Club de Bar-sur-Aube, nous dévoile sa méthode de travail et de sa vision du judo. Il évoque également les difficultés de son club pour garder ses meilleurs judokas. Interview.

Bonjour Didier Charles, pourriez-vous me présenter le club de Bar-sur-Aube que vous entraînez depuis 30 ans ? 
Bar-sur-Aube est un club formateur même si on arrive régulièrement à sortir des judokas qui fournissent les équipes de France. Ce club a plus de cinquante ans d'existence et aujourd'hui une centaine d'adhérents. J'ai aussi des personnes qui m'aident au quotidien afin de proposer à des passionnés de faire du judo trois ou quatre fois dans la semaine. Notre politique est de former des jeunes destinées à faire de la compétition. 75% de mes élèves sont demandeurs d'affrontements. Les enfants qui viennent pour faire du judo loisir ne restent pas à partir du moment où on rentre dans un travail de mise en place technique. 

En termes de contenu d'entraînement, pouvez-vous nous dévoiler votre façon de fonctionner ?
Chez les cinq et six ans, on est vraiment axé sur la technique judo. J'essaye de trouver des moyens éducatifs pour intéresser les jeunes à travailler leur technique et faire beaucoup moins de jeux. Certains de mes judokas arrivent par exemple à l'avance aux entraînements, et, à partir des pistes que je leur donne, ils travaillent leur gestuelle dans un coin du tapis. Ils ont envie de progresser et de trouver la solution. C'est merveilleux.

Et en ce qui concerne la préparation physique ?
Chez les benjamins et les poussins dernière année, je commence à faire des petits stages pour les habituer à courir régulièrement et bouger leur corps en permanence. Ça leur permet de pouvoir supporter une préparation physique plus poussée quand ils arrivent dans les catégories minimes puis cadets. Chez nous, à partir des benjamins les enfants qui veulent faire régulièrement du judo ont la possibilité de travailler leur technique trois fois dans la semaine et de faire une fois un peu de préparation physique.

La dimension mentale occupe également une place importante dans la préparation de vos athlètes ?
Oui, elle est primordiale. On essaye de motiver les jeunes et de travailler avec un préparateur mental même si aujourd'hui ce ne n'est pas notre priorité. On ne peut pas tout faire, c'est la raison pour laquelle je passe aussi le relais au pôle espoir ou au pôle France.

Y a t-il des entraîneurs qui vous ont inspiré ?
En premier lieu, Francis Clerget, professeur de Marnaval avec qui je travaille toujours aujourd'hui. Je lui passe mes élèves quand ils atteignent un certain niveau. C'est le cas d'Audrey Fels et de Mélanie Clément cette année. Mais je continue à travailler avec ces athlètes même si maintenant elles sont chez lui. Francis Clerget est pour moi un modèle. Jean-Pierre Gibert ou Philippe Taurines sont aussi des références. 

Quand vous voyez chaque année vos meilleurs judokas partir dans des clubs d'élites, ça ne vous donne pas envie de changer de club ?
Non, mais en revanche ça me donne envie d'aller voir les élus dans les communes. Même s'ils nous aident déjà un peu, je souhaiterais voir avec eux comment on pourrait arriver un jour à avoir une structure de haut niveau et des moyens plus conséquents pour garder les athlètes. Mélanie Clément, par exemple, aurait voulu rester un an de plus, mais pour lui proposer de participer à des compétitions internationales, il me fallait entre 15.000 et 20.000 euros. On ne peut pas se le permettre.

Votre président Francis Fels dit de vous que vous êtes « la pièce maîtresse » du club de Bar-sur-Aube. Qu'en pensez-vous ?
Sur la partie judo, c'est le cas. Mais je suis entouré de plusieurs personnes dont mon président qui fait un travail formidable auprès des élus et des personnes qui peuvent nous aider. Tout seul au club, même avec la meilleure volonté du monde, c'est impossible.

Votre travail porte ses fruits, puisque Bar-sur-Aube est classé 37e club français. Qu'est-ce que cela représente pour vous ?
On est à la 37ème place nationale sur les 5600 clubs en France. C'est une grosse fierté mais ce n'est pas l'objectif principal. On risque de retomber au classement car on va perdre cette année certains de nos meilleurs éléments. En revanche j'ai des minimes et des cadets qui devraient permettre au club de faire parler de nouveau de lui dans les années à venir. De plus, des athlètes comme Audrey Fels, Mélanie Clément ou Victor Le Boedec reviennent toujours au club, ce sont donc des locomotives pour tous nos jeunes qui sont derrière. Ils ont envie de s'inspirer de leur réussite, c'est très important et ça nous permet de continuer à travailler sereinement. On a une identité de club présent à tous les échelons, du département au niveau internationale. J'emmène également partout mes élèves afin qu'ils puissent faire des stages avec des entraîneurs de renoms et se nourrissent de ce qu'ils voient.

Vous étiez en Croatie lors des Championnats d'Europe juniors, les filles ont brillé avec six médailles mais seulement une en bronze pour les garçons. Comment expliquez-vous les difficultés de l'Equipe de France masculine ?
J'ai vu chez les garçons un niveau très élevé, et notamment la finale des moins de 60kg entre le Géorgien et le Russe. En France nous avons un souci pour amener nos jeunes sur des entraînements difficiles suffisamment tôt. Tout les jeunes qui espèrent faire de la compétition sont issus de clubs qui n'ont pas cette volonté d'amener les athlètes sur du combat. Et l'art du combat, ça prend du temps pour l'acquérir. Les pays étrangers comme la Russie ou la Géorgie ont des moyens dans les écoles pour travailler ça avec les jeunes dès leur plus jeune âge. Je ne rejette pas la faute sur les pôles, mais je constate que nous n'avons pas cette culture chez les garçons.

Quels sont les prochaines échéances pour vos jeunes judokas ?
Etant donné que la plupart de mes athlètes sont partis vers d'autres structures, j'ai essentiellement des cadets, des minimes et des benjamins. Les compétitions vont s'enchainer, mais j'irai tout de même aux championnats de France 1e division en novembre pour voir Audrey Fels et Mélanie Clément. Le programme est chargé, j'ai fait les comptes et il n'y a déjà plus un week-end de libre jusqu'à fin juin.

SB



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