Aurélien Broussal : Les coach ont une expertise profonde

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Autres / jeudi 14 juin 2012 / source : alljudo.net


Préparateur physique bien connu des judokas Français puisqu'il chronique depuis plusieurs années pour l'Esprit du Judo, Aurélien Broussal a sorti il y a quelques semaines un livre dans lequel il compile une grande partie de son travail. Interview.

Aurélien Broussal-Derval est entraîneur national, en charge de la préparation de l'équipe Olympique de Judo en Grande-Bretagne. Préparateur physique professionnel, il travaille à Londres depuis trois ans. Ceinture noire de judo, de kendo, et de jiu-jitsu brésilien, il intervient dans nombre d'universités françaises, espagnoles et anglaises en tant que formateur. Habitué des tatamis et des athlètes, son combat consiste à aider les judokas dans une démarche de préparation physique plus précise et personnelle. Dans cet ouvrage à mi-chemin entre le livre et le magazine, des recettes, des réponses concrètes, et des techniques de prévention et d'entraînement, issues du monde du Judo de haut niveau.

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Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Je chronique régulièrement pour des magazines, et l'idée ici était de regrouper toutes les parutions dans un même livre pour ceux qui n'auraient pas lu mes différentes chroniques, et aussi, de faire un livre qui soit tout particulièrement dédié à la préparation et à la prévention dans le monde du judo. Historiquement, Emanuel Charlot et Olivier Rémi del'Esprit du Judo ont participé à son élaboration, et ont orienté les contenus. Nadia Belhadj qui supervise les éditions 4 Trainers, m'a elle aussi aidé à la rédaction.

Que retrouve-t-on dans ce livre ?
Il est organisé par thèmes, par spécificités. Il y a des chapitres spécifiques pour certaines blessures, certains types d'entrainements. On y retrouve des conseils, des exercices à faire, des théories que j'ai expérimentées et des témoignages d'athlètes. Nombres d'athlètes avec qui je travaille ont servi de modèle pour ce livre.

Pour progresser vous vous inspirez de la littérature scientifique, ou plutôt sur les feed-back des athlètes avec qui vous travaillez ?
Les deux. Mais je suis vraiment branché terrain. Je n'aime pas les théories inapplicables et loin de la réalité. J'ai les mains dans le cambouis tout le temps, sans être péjoratif je ne suis pas juste un prof de fac, je suis vraiment un praticien, un préparateur physique à plein temps. En dehors de ça, mon activité de prof de fac dans les différentes universités françaises, anglaises, espagnoles, m'obligent à mettre a jour mes données tout le temps, j'essaye de faire évoluer mes contenus sans cesse. Je lis beaucoup, j'ai tout le temps le nez dans les sciences du sport, ça m'intéresse beaucoup, c'est une passion. J'éprouve ce que j'apprends à la fac et ce que j'échange avec mes étudiants sur le terrain, et je leur rapporte mes expériences professionnelles à l'université pour leur montrer à quoi ressemble la mise en pratique, les différentes qualités et forces mises en pratique sur le terrain.

Y-a-t-il des découvertes qui vont changer la donne ?
Oui, ça n'arrête pas. Une découverte empirique que j'ai faite récemment : les judokas ne sont pas soumis aux même règles que celles indiquées par la science concernant les efforts dits lactiques. On croit souvent qu'il ne faut pas travailler cet effort plus de quatre à six semaines sur l'année, car après, il n'y a plus de progrès. Or, tous les jours, en judo, nous prouvons l'inverse. Mais mes préconisations en tant qu'entraîneur sont justement d'augmenter la part de ce travail qui est éminemment spécifique au judo. Les judokas, de par leur entraînement et leur héritage génétique, n'ont pas les mêmes caractéristiques que les autres personnes qui ont jusqu'alors été testées. La combinaison des qualités physiques est très importante : on parle souvent de développer le cardio, ou de développer le musculaire. La grande tendance en ce moment, c'est d'allier les deux : par exemple avec le travail en crossfit. Or le mélange est spécifique au judo. C'est ce que je fais dans mes séances. Pas toute l'année, et pas dans n'importe quelles conditions. Néanmoins, on explore toujours et la science est en train de déterminer des limites à ça, mais on se rend compte qu'on a un maximum de transferts en combinant les différents facteurs que l'on entraîne.

Comment voyez-vous la préparation physique dans 10-15 ans?
Si on continue à brader nos formations et à niveler par le bas le niveau global, je pense qu'on fera un peu n'importe quoi, partout. Parce que l'on va avoir des gens qui encadrent qui seront moins certifiés, moins diplômés, moins efficaces. Mais si on continue sur la lancée de connaissances et de recherches qui sont à notre disposition actuellement, je prédis alors un bel avenir à la préparation physique. On est très innovants en ce moment dans la science du sport, on trouve des nouvelles choses, on les communique grâce à internet, et ainsi, on contrebalance peut-être la régression des formations. Si nous continuons sur la dynamique actuelle, la prépa physique pour le judo loisir va avoir à son service des gens extrêmement pointus, qui vont éviter de nombreux pièges dans lesquels on tombait auparavant, et on va avoir une préparation physique préventive, avec beaucoup de travail, de proprioception, de gainage, d'anticipation sur les blessures dites de prophylaxie. La formation peut aussi s'améliorer ; actuellement, on file un mauvais coton, cependant ce n'est pas définitif, cela peut changer. Je me demande aussi si le fait que de plus en plus d'autodidactes continuent de se former par le biais d'infos qui leur arrivent via internet ne va pas plutôt permettre de démocratiser l'accès à la prévention. Si c'est le cas la préparation physique 'loisir' va devenir de plus en plus préventive.
Quant à la préparation physique de haut niveau, je pense qu'elle va devenir de plus en plus spécifique. Tout ce que nous avons expérimenté avec Patrick Roux en Grande-Bretagne (manager de l'équipe de Judo de Grande Bretagne), c'est en toute modestie, l'avenir. On a eu la chance d'avoir les moyens de mettre en oeuvre une politique spécifique. Historiquement, la préparation physique a été influencée par les gens qui avaient un savoir du judo et qui maîtrisaient les sciences du sport. Dans le milieu du judo elle a, dans un premier temps, été fortement influencée par l'athlétisme : on a beaucoup fait courir les gens. Aujourd'hui, on se rend compte qu'on a une superbe discipline, vraiment très riche, et qu'avec elle on peut faire énormément de choses. La problématique clé, c'est la problématique du transfert. Il ne s'agit pas d'être plus fort dans la salle de musculation, ni de courir plus vite, mais tout simplement d'être un meilleur judoka. La question du transfert se pose à tous les niveaux, que l'on fasse du circuit training, de la musculation, ou du judo. De plus en plus nous allons nous orienter vers des contenus éminemment spécifiques : tout exercice sera réfléchi, de manière à ce que l'effort et la progression soit transférable. La préparation généralisée (le PPG) est amenée à disparaitre, au profit d'une PPS.

Des conseils à donner aux judokas qui voudraient améliorer leurs conditions ?
Acheter mon livre ! Et puis ensuite, de ne pas hésiter à aller chercher la compétence là où elle est. On a souvent tordu le cou à l'empirisme, surtout dans les sports de combat, on dit péjorativement des choses lorsqu'elles ne sont pas forcément prouvées scientifiquement qu'elles sont empiriques. Or, ce mot est utilisé bien souvent à tort, là où l'on veut plutôt parler d'archaïsme. Les deux sont à dissocier, l'archaïsme est quelque chose de primaire, basique, peu évolué. L'empirisme, c'est ce qui est basé sur l'observation. Tout ce qu'on a observé et tout ce que nos professeurs de judo nous transmettent n'est pas obligatoirement prouvé par les sciences, cependant, ce n'est pas pour cela que leurs conseils sont mauvais. Ils ont une expertise profonde, surtout en France, nous avons un vrai savoir-faire dans l'entraînement en judo, et nos professeurs ont à mon avis plein de choses à nous dire.
Alors, judokas, tournez vous vers votre professeur, votre coach. En plus de ça, allez chercher des données dans des sciences du sport. Moi, dans le livre, j'essaye de faire le pont entre ces deux mondes. Celui des professeurs, des athlètes éclairés qui veulent parfaire leurs connaissances, et celui des sciences qui peut être parfois opaque, inaccessible.

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