Interview de Stéphane Traineau (2e partie)

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Interview / vendredi 10 fevrier 2012 / source : alljudo.net


Officiellement candidat à la présidence de la FFJDA depuis le 5 février, Stéphane Traineau s'était entretenu avec alljudo il y a quelques semaines. 2e partie de l'interview.

Vous évoquez beaucoup les clubs. Sont-ils au centre de votre projet ?
Le club est le premier maillon de la chaîne et à ce titre-là, il est évidemment au coeur de tout le projet que je souhaite défendre et mettre en place. Aujourd'hui les clubs sont au service de la fédération, alors que cela devrait être l'inverse. Les clubs se battent pour recruter et fidéliser des licenciés, et par ce biais ils font rentrer l'argent dans les caisses. Mais qu'ont-ils en retour ? Quels services ? Avec quelle qualité ? Le club doit retrouver une place centrale, il doit être l'objet principal des préoccupations de la fédération.

On imagine que dans cette réflexion, le rôle et la place du professeur tiennent également une place importante?
Tout à fait. Le professeur est la pierre angulaire du club, son âme. Malheureusement à l'heure actuelle, de nombreux professeurs se partagent entre 3 ou 4 clubs, n'enseignent pratiquement qu'à des enfants et gagnent mal leur vie. Partant de ce constat la qualité ne peut pas être au rendez-vous. Si la Fédération reste là à attendre que le professeur se débrouille tout seul pour faire rentrer des licences, cela ne peut pas fonctionner. La Fédération à le devoir d'aider, de former, d'accompagner les professeurs et de se pencher sur la question de leur confort matériel. Si on ne fait pas cela, il y aura de moins en moins d'enseignants de qualité. A terme, avec les qualifications permettant l'enseignement du judo de manière bénévole, je crains que le niveau de l'enseignement soit tiré vers le bas.

Abordons maintenant la question du haut-niveau. La filière française d'accès au haut-niveau est-elle toujours adaptée et efficace ?
Sans rentrer dans le détail du nombre de pôles, de leur répartition ou encore dans celui du fonctionnement de l'INSEP et de l'INJ, je fais un premier constat : les résultats n'ont jamais été aussi bons que lorsqu'il y avait du brassage entre les cadets, les juniors et les seniors. En 2001, lors de ma prise de fonction comme responsable des équipes de France j'ai demandé à ce que l'on réintègre des juniors à l'INSEP. Cela a débouché sur le succès historique lors des championnats du monde juniors de 2006. Parmi ceux qui ont pu intégrer tôt l'INSEP on retrouve Teddy Riner et Ugo Legrand, les deux médaillés garçons des derniers championnats du monde. D'autre part nous devons améliorer notre système de détection, c'est un axe sur lequel il faut mettre des moyens. Enfin il faut redonner un rôle important aux clubs qui ont été oubliés lorsque l'on a créé les pôles espoirs. Entre les classes départementales jeunes, les pôles espoirs et les pôles France, nos jeunes changent en permanence d'établissement scolaire, ainsi que d'enseignant au niveau du judo. A un âge ou l'on a besoin de repères il faut que lien avec le club reste fort. Ils sont encore à un âge où ils ont plus besoin d'un professeur que d'un entraîneur.

Quel regard portez sur l'action engagée par la FIJ depuis l'élection de Marius Vizer ?
Globalement mon regard est positif. Le judo a besoin d'être lisible et visible. Le fait d'avoir hiérarchisé les tournois me semble une bonne chose, tout comme la création de la ranking list qui donne de la lisibilité. Maintenant il faut aller au bout de la démarche et se demander ce que l'on fait des championnats continentaux, de la coupe d'Europe des clubs ou encore des championnats du monde open. Si nous voulons que le judo soit encore plus visible et lisible par le grand public et les médias, il faut continuer le tri et établir un calendrier fixe qui soit le même chaque année.
Au niveau de l'arbitrage, les réformes vont dans le bon sens, mais attention car parfois l'interprétation d'une attaque aux jambes, directe ou pas directe, demande aux arbitres des connaissances techniques très affûtées. Par exemple lors des championnats d'Europe à Istanbul, lorsque l'on a mis hansokumake à Lucie Decosse, alors qu'elle venait de faire un enchaînement si rapide sur ko-uchi-gari que les arbitres ne l'ont pas vu, on ne va pas dans le sens du judo. Le hansokumake direct pour une saisie de jambe est trop sévère, il faut une graduation, quelque chose de plus humain, plus dans l'esprit de notre sport, peut être une sanction intermédiaire. Concernant l'argent, j'y suis également favorable car les athlètes ont besoin de cet argent et ils le méritent largement, par contre j'ai un peu de mal avec la manière dont on leur remet ce chèque énorme sur le podium.
En ce qui concerne l'utilisation de la vidéo, je considère que c'est une avancée technologique très positive. Par contre il faut que ce soit à la demande du trio arbitral lorsqu'il a un doute sur telle ou telle action, et non l'interventionnisme extérieur de superviseurs qui décident de tout devant leurs écrans de contrôle.
Enfin parmi les effets pervers que peut engendrer le nouveau circuit, il y a le risque de voir le dopage gagner du terrain. Il y a eu plusieurs cas de dopages avérés au cours des derniers mois, il faut être vigilant, faire attention au rythme des compétitions si l'on ne veut pas voir les cas se multiplier. C'est donc pourquoi, il est important de faire encore le tri entre toutes les compétitions et tournois du calendrier.

Le judo, notamment en France, souffre d'un déficit de reconnaissance médiatique. Que feriez-vous pour améliorer la situation si vous en aviez la possibilité ?
Tout d'abord je souhaiterais revenir sur les épisodes qui ont eu lieu depuis quelques années. En 2005 la Fédération a signé un accord avec Canal+ ce qui a restreint notre visibilité. Ensuite si l'on considère que la télévision publique ne fait pas son devoir, la démarche que j'aurais adopté en tant que président de la Fédération aurait été de proposer une rencontre à Daniel Bilalian, et non pas de le critiquer publiquement dans l'Equipe. Quand ensuite Jean-Luc Rougé a demandé aux licenciés d'envoyer un mail à France Télévision, je considère cela comme un aveu d'échec, car c'était à lui d'agir, et non pas aux licenciés.
Lors des derniers championnats du monde à Paris, la chaine Canal+ n'a pas payé de droit mais elle a investi 600 000 € dans la production pour assurer une couverture de très grande qualité, avec des consultants, des reportages, des interviews. La fédération aurait pu soutenir financièrement la production pour attirer une chaine hertzienne. Cela aurait coûté de l'argent, mais cela aurait été l'occasion de faire une très belle promotion pour le judo.
De manière générale, la communication doit devenir un enjeu majeur, avec des objectifs, des moyens. Il faut avoir un projet et ne pas se contenter de communiquer sur le haut-niveau, il faut également mettre l'accent sur la santé, sur l'éducation, sur la formation. D'autre part il faut tenir compte du fait que nos licenciés ont moins de 10 ans, ce ne sont pas eux qui regardent le sport à la télé. Il faut réussir à intéresser ceux qui actuellement regardent du foot ou du rugby.

Pour terminer y-a-t-il des thèmes que nous n'avons pas abordé et que vous souhaiteriez évoquer ?
Je voudrais évoquer la gouvernance. Actuellement les dirigeants de la Fédération concentrent trop de pouvoirs. Il faut redéfinir les responsabilités de chacun et trouver un équilibre entre le dirigeant et le technicien sportif, de manière à ce que ce dernier ne soit pas un simple exécutant. De la même manière il faut redonner une indépendance au Collège des Ceintures Noires qui a été vidé de son sens et qui doit redevenir le gardien du temple. Les ligues et les départements ont également perdu une partie de leurs prérogatives, il faut leur redonner un peu d'air et d'autonomie. Je considère que c'est une erreur de vouloir tout uniformiser, il faut tenir compte des spécificités régionales. Ma conviction c'est qu'il faut moins imposer, il faut piloter la structure et travailler de manière beaucoup plus collégiale. Pour conclure je pense qu'on arrive au bout d'un cycle, qu'il est temps de repenser nos structures, notre organisation et de nous ouvrir sur l'extérieure, nous pourrons ainsi rassembler et fédérer tous les judokas pour nous tourner vers l'avenir autour d'un projet commun et partagé.

 


1e partie de l'interview
Palmarès et vidéos de Stéphane Traineau

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  • moulinneuf - le 23/03/2012 à 07:07

    bravo pour le programme effectivement les ligues ne servent plus à rien et les petits clubs encore moins juste à rentrer des licences ,il est très important de remettre le club au centre des débats,l'argent il en faut on ne peu pas faire du haut niveau en travaillant mais je suis choqué quand on remet des chèques sur un podium ,et puis n'oublions pas la formation et le statut des judokas .Bravo Monsieur Traineau mais attention de ne pas vous entourer de revenchard et il y en a .Un petit président de club depuis 25 ans qui se dévoue pour notre sport et ses valeurs .Faites moi savoir comment l'on peu vous aider .ET attention aux maçons les compats sont déja sorties et sa pique !!!!!!

  • cheniss - le 18/02/2012 à 12:23

    "La Fédération à le devoir d'aider, de former, d'accompagner les professeurs et de se pencher sur la question de leur confort matériel." En tant qu'enseignante, j'approuve complètement cette idée, mais quels sont les moyens concrets qui seront mis en oeuvre.Actuellement, je trouve que les possibilités de formations continues sont plutôt intéressantes, avec de bon stages "pris en charge" proposés l'été ou pendant les vacances scolaires. Je suis fan des stages à Boulouris qui nous font beaucoup avancer grâce aux échanges avec les autres profs.

  • funcat0 - le 12/02/2012 à 09:16

    Voici une belle ébauche de programme électoral. Pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris, les clés y figurent. Bravo à Stéphane qui se lance dans un projet ambitieux. C'est rassurant de voir qu'un ancien athlète s'intéresse aux professeurs et dispose d'une vue à 360°, c'est rare ! Sa mère est toujours dans le circuit en tant que professeur de judo, ça aide, j'imagine. Maintenant il fait tenir jusqu'au bout, nous comptons sur ta combativité légendaire.

  • roux - le 10/02/2012 à 10:46

    encore bravo et aussi au sujet de l'arbitrage, on a en effet l'impression que se n'est pas le trio arbitral qui arbitre le combat mais le referent derriere sont ecran