Interview de Stéphane Traineau (1e partie)

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Interview / jeudi 9 fevrier 2012 / source : alljudo.net


Officiellement candidat à la présidence de la FFJDA depuis ce week-end, Stéphane Traineau s'était entretenu avec alljudo il y a quelques semaines. Interview.

Bonjour Stéphane, quel a été le cheminement entre votre carrière d'athlète et aujourd'hui ou vous aspirez à devenir président de la Fédération Française de Judo ?
Je pratique le judo depuis 40 ans et depuis aussi loin que je me rappelle, j'ai toujours baigné dans cet univers. Ma mère est professeur de judo depuis 35 ans et mon père a été président du Comité Départemental de la Vendée pendant 8 ans, ils ont d'ailleurs créé le Dojo Mortagnais dont mon père a été le président. J'ai eu la chance de pouvoir me réaliser pleinement en tant que champion, d‘être entraîneur de l'Équipe de France, membre de la direction technique mais aussi dirigeant fédéral puisque de 92 à 96 j'ai été membre du comité directeur de la FFJDA. Je suis aujourd'hui CN 7ème dan et titulaire du BE1. J'ai toujours une grande passion et des rêves pour notre sport. Je ressens le besoin et l'envie d'apporter ma pierre à l'édifice. J'ai la chance d'avoir eu différents engagements dans le judo, ce qui m'a permis de côtoyer le monde du judo à ses différents étages. Je suis au courant des grands thèmes qui concerne notre sport, ainsi que des besoins et des ressentis de ceux qui sont à la base, dans les clubs. Et puis cela fait quelque temps maintenant que nombre d'élus, de présidents, de professeurs, bref de judokas me sollicitent pour que je candidate alors... ! Cela me donne envie de fédérer les gens autour d'un projet et d'une vision pour le judo.

Y-a-t-il eu à un moment donné une forme de déclic ?
On ne se lève pas un matin en se disant « tiens je vais devenir président de la fédération », ce n'est pas non plus une revanche comme on me le demande parfois. C'est tout simplement quelque chose que j'ai en moi, au fond de mes tripes. Mais si on doit chercher d'autres raisons qui me poussent à aspirer à diriger notre fédération, je pense que les discussions, les échanges et les débats que j'ai eues depuis 3-4 ans avec de nombreux judokas sont autant d'éléments qui ont enrichis ma réflexion et m'ont renforcés dans mes convictions... J'ai échangé avec des dirigeants et des entraîneurs des années 60-70, avec ceux qui ont pausé les bases à cette époque, et qui ont permis au judo français des années 80-90 d'avoir les succès que l'on connaît. Tous me disent en substance la même chose : « le modèle que nous avons créé à l'époque, aussi bien au niveau structurelle que sportif, est devenu caduque. Il faut en créer un nouveau, avec une vision à long terme qui n'existe pas actuellement. »

Vous réfutez l'idée de revanche. Quels sont vos rapports avec l'équipe dirigeante en place et avec Jean-Luc Rougé ?
J'ai contacté directement Jean-Luc Rougé pour l'informé de mes intentions. Je ne suis pas en guerre ni contre le comité directeur de la fédération, ni contre son président. Je souhaite aider la fédération en apportant ma pierre à l'édifice. J'ai envie qu'un vrai dialogue démocratique soit ouvert à l'occasion des élections. Maintenant si je dois me battre pour faire entendre ma voix, je le ferai car je reste un combattant. Dans tous les cas, c'est une démarche pro-judo et pro-fédérale. En attendant, à ma demande, j'ai rencontré la quasi-totalité du comité directeur et l'exécutif. En toute transparence, je leur ai fait part de ma volonté de m'engager et de ma réflexion sur l'avenir du judo français. J'ai pu échanger avec tous et ce dans une ambiance très amicale et respectueuse. J'ai notamment, toujours à ma demande, rencontré Jean-Luc Rougé au mois d'août 2011, il s'est dit très intéressé et m'a promis de me rappeler en septembre pour fixer un autre rendez-vous, j'attends toujours son appel... Il doit sûrement être très pris par ses nouvelles fonctions de secrétaire de la FIJ !!!

Quel bilan dressez-vous sur l'état de santé du judo français ?
Je vais vous donner quatre chiffres clés qui résument beaucoup de chose :
- la fédération compte environ 570 000 licenciés, ce qui représente une stagnation, sauf à penser que 1% d'augmentation (entre 2010 et 2011) soit un chiffre significatif.
- 80% de nos licenciés ont moins de 10 ans.
- Il y a 45% de turn-over d'une année à l'autre.
- et enfin le nombre de ceintures noires régresse alors que nous formons chaque année entre 5000 et 6000 nouveaux 1e dan.
Pour augmenter le nombre de licenciés nous avons abaissé l'âge jusqu'à l'extrême, en faisant débuter le judo à des enfants de 3 ans. Ceci a permis d'accroître le nombre de licenciés, mais maintenant nous sommes arrivés au bout de cette logique. Il faut donc désormais réfléchir à ce que nous pouvons offrir aux autres publics que sont les adolescents, les adultes non-compétiteurs, les seniors, les handicapés... Du point de vue financier 70% des recettes fédérales proviennent des licences et sachant que le processus de désengagement de l'état ne s'inversera pas, nous devons anticiper sur la manière dont nous allons augmenter nos ressources propres. Actuellement le secteur privé ne représente que 4% des recettes de la fédération contre 37% par exemple pour le tennis, il y a certainement un travail à effectuer à ce niveau là. Si je dois faire une photographie du judo français à l'heure actuelle je dirais qu'en façade tout va bien. Au regard des résultats, un peu en trompe l'œil, de l'équipe de France, du budget qui est équilibré, ou du nombre de licenciés qui se maintient, les indicateurs sont entre le vert et l'orange mais la tendance est négative. Il faut donc faire attention à ce qu'ils ne passent pas dans le rouge. Mon sentiment est que le judo français arrive au bout d'un cycle et qu'il doit désormais retrouver l'une des qualités qui font les bons judokas : le sens de l'anticipation.

L'objectif de 750 000 licenciés, qui avait été annoncé par Jean-Luc Rougé, est-il selon vous le but à atteindre pour assurer l'avenir ?
Pour moi cet objectif de 750 000 licenciés est un effet d'annonce, et je ne souhaite pas spécialement commenter ce chiffre. Ce qui m'aurait intéressé à l'époque, c'était de savoir comment Jean-Luc Rougé allait s'y prendre pour atteindre ce chiffre, avec quels moyens, à quelles échéances, quelle méthode, quel plan d'action... mais ça, on en a jamais rien su et pour cause. On peut donner un objectif, mais on doit surtout indiquer la manière dont on va s'y prendre pour le réaliser. Selon moi, si l'on parvient à aider les clubs dans leur fonctionnement, à améliorer les conditions de travail des professeurs, et à bonifier l'offre de services «judo», on obtiendra une augmentation du nombre de licenciés qui sera une conséquence du travail effectué et non pas sa finalité. C'est de cette manière que je conçois les objectifs qui doivent être fixés.

Qu'entendez-vous précisément lorsque vous dites « il faut bonifier l'offre de services » ?
Parmi les 570 000 licenciés de la Fédération, il y a approximativement 40 à 50 000 compétiteurs. Que propose-t-on aux autres ? Pas grand chose... Il y a en France une manière d'enseigner le judo qui est géniale pour les enfants, mais en revanche l'offre n'est pas adaptée pour les adolescents, pour les femmes, pour les handicapés, qui sont pourtant 4 millions et qui pourraient bénéficier de la richesse de notre sport. Certains clubs parviennent à fidéliser ces publics-là en développant leurs propres méthodes, je dis « allons voir ce qui ce fait de bien dans les clubs et servons nous de cette richesse ». On me répond parfois qu'il y a le jiu-jitsu, le taiso, le ne-waza, mais le grand public ne connaît pas tout ça. Nous avons un produit fantastique qui s'appelle le judo, adaptons-le aux différents publics, aux exigences du monde moderne, sans penser que nous allons renier notre passé et nos traditions. Le judo tel que l'a imaginé Jigoro Kano est avant tout une méthode d'éducation, servons-nous de ce potentiel.

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  • judokaparis - le 15/02/2012 à 12:28

    Je pense comme beaucoup que stéphane TRAINEAu peut être un très bon président qui saura re-dynamiser notre fédération. Pour ce qui est d'ouvrir et d'adapter l'enseignement du judo pour augmenter le nombre des licenciés, il serait peut être également temps de garder les nouvelles ceintures noires. C'est autant de nouvelles licences qui ne seraient pas nécessaire de trouver.

  • funcat0 - le 12/02/2012 à 09:58

    Allez Stéphane, enfin un judoka s'engage pour remettre la fédération à notre service et non pas le contraire !!

  • ABEILLE - le 10/02/2012 à 10:59

    une nouvelle candidature ? avec une autre vision ? pourquoi pas ? si S. Traineau essaie de se souvenir qu'il n'y a pas que les compétiteurs de "haut niveau" qui font vivre le Judo, s'il pense à ceux qui sont compétiteurs en travaillant à côté ou en étudiant sérieusement et qui donc... ne sont pas intégrés dans LA structure genre "armée" avec un fonctionnement qui y ressemble... et donc sont mis souvent de côté même si les résultats sont plus qu'honorables : à eux, on ne donne pas la chance de participer à de grandes rencontres... on se coopte entre "initiés", ...avec le fait qu'il serait temps par ex de prévoir de réelles formations continues pour les profs afin qu'ils soient capables de faire évoluer leurs cours en fonction des âges, des volontés de compé ou non, des filles ou garçons...etc...(pour ceux qui ont oublié qu'ils ne forment pas QUE des compétiteurs mais qu'on ne veut pas non plus sombrer dans le "pas grand chose".... la gesticulation inepte : on en voit trop !) et qui donnent envie de tout simplement par un réel engagement et par une attitude adéquate. Enfin bref : vous avez du "pain sur la planche" M. Le futur Président (quel qu'il soit).

  • SAMURAI - le 10/02/2012 à 09:23

    bonjour, une seule question a poser à Stéphane. Es-tu franc maçon, tu sais que la fédération vie dans ce monde et ta seule chance d'etre entendu est defaire partie de leur famille !! Demande à Douillet le chemin va etre plus compliqué que d'aller chercher une médaille.

  • Gaetan - le 10/02/2012 à 09:56

    Je pense que Stéphane TRAINEAU peut être un bon Président pour la FFJ, si l'intention de vouloir faire avancer les choses reste son objectif principal alors j'approuve, il ne faut pas que cette candidature soit une "petite vengeance" au passé et au rôle de Stéphane dans la Fédération. Mais personnellement, j'ai de la reconnaissance pour Stéphane et j'espère qu'il arrivera à atteindre son objectif, je suis même prêt à m'engager !!

  • roux - le 09/02/2012 à 08:24

    tu as tout compris

  • roux - le 09/02/2012 à 08:34

    Bravo Stephane dans le mille