Ronald Alger : 'je m'inspire du sport professionnel'

Judo : les actualités du judo en France et dans le monde / Interview / jeudi 4 mars 2010 / source : alljudo.net


Athlète à maturité tardive et personnage au franc parler, Ronald Alger fait également partie de la minorité d'athlètes qui concilient vie professionnelle et judo de haut-niveau. Interview.

Bonjour Ronald. Pour commencer est-ce que tu peux nous résumer ton parcours de judoka ?
J'ai commencé le judo à cinq ans avec Marc Bolland au club de Noisy-le-Grand et j'y suis resté jusqu'en 2002. Ensuite pendant deux ans j'ai été à l'US Créteil, entrainé par Christophe Gagliano, puis en 2004, j'ai rejoint le Paris Judo. En cadets et juniors je montais au national, mais je ne me classais pas, à l'époque le judo n'était pas ma priorité. C'est en seniors que les choses ont commencé à changer. J'ai passé mon Brevet d'Etat, et nous avions des entraînements à l'Insep, c'est là que mon envie de faire du haut niveau est née. En 2001, je suis monté en 1e division pour la première fois, puis j'ai remporté les France 2e division ancienne version en 2002 et 2005. En 2006, avec le Paris Judo, nous nous sommes classés troisièmes aux championnats de France par équipes, en battant Orléans, avec une équipe qui à l'époque ne comptait aucun podium 1e division. Pour tous ceux qui étaient dans cette équipe (Riner, Guyot, Chaine...) cela a été un vrai déclic. A titre individuel, depuis cette compétition, j'ai été médaillé trois fois sur quatre aux championnats de France 1e division.

Une semaine type de Ronald Alger, c'est quoi ?
J'ai un emploi du temps très chargé car je concilie ma carrière de sportif de haut-niveau, avec un emploi dans la finance au sein de la société Natixis. Du coup je m'entraîne du lundi au vendredi, en dehors des horaires de travail : entre midi et deux heures, le soir après le travail, et parfois le matin très tôt. A cela s'ajoute une séance le samedi matin. Dans ce planning très serré j'arrive à caser quatre séances de PPG, deux séances à l'Insep, une séance à l'Inef, et trois entraînements au club. Ensuite, lorsqu'il y a des stages, je suis obligé de poser des congés.

Troisièmes aux derniers championnats de France, deuxième à Tbilissi, cinquième à Prague dans un tableau très copieux, tu sembles être au sommet de ta forme. Comment expliques-tu cela ?
Je pense que c'est le travail des quatre dernières saisons qui est en train de porter ses fruits. Sachant que je suis obligé d'optimiser mon temps, je me suis inspiré du monde professionnel et de ce qui se fait dans les autres sports, pour constituer autour de moi une équipe très performante. Ma préparation physique est prise en charge par le Team Lagardère où je dispose d'un suivi individualisé. Pour la technique je travaille avec Bernard Tchoullouyan et Serge Dyot, et j'ai travaillé avec Thierry Dibert à l'époque du Paris Judo. Je vais également, lorsque j'ai du temps, m'entraîner avec Darcel Yandzi à Londres. Christophe Gagliano, qui me connaît bien, s'occupe de ma préparation mentale et il m'a permis de progresser dans le domaine de la concentration qui était mon point faible. Enfin pour les régimes, je suis suivi par Véronique Rousseau, la diététicienne de l'Insep, c'est également très important car j'ai un poids de forme à 78 kg.

A 30 ans, est-ce que physiquement tu commences à sentir le poids des années ?
Pas du tout, je pense même que je n'ai jamais été aussi fort physiquement. Depuis trois ans, je bénéficie d'une préparation physique individualisée. C'est Jean-Michel Lévêque, qui est chercheur et ancien kayakiste de haut-niveau, qui me suit au sein du Team Lagardère. Il a commencé par déceler chez moi un manque de puissance sur la jambe gauche qui me handicapait, et il m'a permis de me rééquilibrer. Ensuite il m'a fait progressé dans tous les domaines : VMA, force et résistance. Le travail qu'il me propose est conçu pour moi, l'objectif c'est de parvenir à optimiser mes qualités propres, et pour cela il insiste beaucoup sur la qualité du travail. En musculation, par exemple, il recherche le geste juste, la vitesse du mouvement, sans être focalisé sur les charges. En fait, physiquement mon principal problème c'est que je me suis beaucoup blessé au cours des quatre dernières années : une double fracture de la mâchoire, une fracture du pied et une entorse du genou, cela m'a considérablement ralenti.

Finalement, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, tu n'as pas été trop gêné par le nouveau règlement ?
J'avais l'habitude faire kata-guruma sur les gauchers et te-guruma sur les droitiers, donc forcément ça change la donne, mais globalement ce que je préfère ce sont les situations de corps à corps où je peux arracher ou projeter en ko-soto-gake. Donc finalement la transition avec le nouveau règlement s'est bien passée, sauf à Prague ou je me suis fait disqualifié dans le combat pour la médaille de bronze face au Portugais Alves. Je commence également à faire des choses nouvelles comme le ashi-guruma que m'a montré Darcel Yandzi ou le travail en réaction qui est la marque de Bernard Tchoullouyan.

Quels sont tes objectifs à court et moyen terme ?
A court terme je veux rentrer dans les huit premiers de la ranking list, disputer les masters et les championnats du monde. Ensuite le rêve ce serait d'être champion du monde à Paris en 2011, puis bien sûr les JO. Malgré mon âge je pense que tout est possible, les Français ont toujours eu une maturité tardive dans cette catégorie : Gagliano a remporté sa médaille olympique à 29 ans et sa médaille mondiale à 30 ans, Daniel Fernandes a été vice-champion du monde à 30 ans et Gilles Bonhomme a décroché l'année dernière sa première médaille européenne à 31 ans.

Comment vois-tu cette catégorie des moins de 73 kg en France ?
Nous sommes actuellement cinq à pouvoir décrocher des médailles internationales. Il y a les nouveaux Ugo Legrand et Guillaume Chaine, et les anciens Benjamin Darbelet, Mohamed Riad et moi. Je ne cite pas Gilles Bonhomme qui, pour l'instant, est malheureusement blessé. Sachant que lors des prochains championnats du monde il sera possible d'aligner deux athlètes par nation, le staff de l'équipe de France pourrait choisir de sélectionner un jeune pour préparer l'avenir, et l'homme en forme du moment dans une logique de résultat immédiat. C'est en tout cas ce que j'espère, car j'ai la conviction que si la concurrence entre nous est saine et ouverte, que la préparation est bonne, on pourra aller chercher les meilleurs mondiaux. Les deux Coréens, Wang et Bang, sont actuellement au dessus, mais pour avoir eu Bang entre les mains à Prague, je sais qu'il n'est pas intouchable. Par contre il ne faut pas faire d'erreur, car il exploite la moindre opportunité, comme cela a été le cas lors de notre combat.

Qu'entends-tu par « concurrence saine et ouverte » ?
Il faut savoir que depuis 2007, je ne suis sorti en tournoi qu'une seule fois avec l'équipe de France. L'opportunité de pouvoir disputer les World Cup avec son club est intéressante, mais pour progresser dans la ranking list il faut absolument pouvoir disputer des Grand Prix ou des Grand Chelem qui sont plus rémunérateurs en terme de points. Je ne me plains pas, je continue de bosser, mais je constate que certains pays, comme la Russie, ont choisi de procéder cette année à une large revue d'effectif, en alignant des athlètes différents à chaque tournoi, avant de resserrer leur élite l'année prochaine en prévision des Jeux. J'espère que j'aurai cette chance.

As-tu pensé à ta reconversion ?
Oui bien sûr. J'ai déjà un diplôme (bac+5 en gestion des entreprises) et un emploi, mais j'ai également d'autres perspectives. Actuellement je suis un cursus de formation à Sciences Po, réservé aux athlètes de haut-niveau. C'est un programme très ouvert qui me permet de consolider mes bases, de renforcer ma culture générale, et de rencontrer des gens issus d'autres sports, ou issus du milieu universitaire. A terme, en passant un concours d'entrée auquel la formation me prépare, je peux intégrer le masters de Science Po, puis éventuellement poursuivre avec une thèse. Je travaille également sur un projet de création d'entreprise dans le domaine de la restauration, donc, en résumé, les pistes pour l'avenir ne manquent pas.

 


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